Les sources de l’histoire de la colonisation française en Haïti, de l’esclavage et de la révolution haïtienne : état des lieux

Les sources en histoire

Les sources sont les témoins du passé, ce sont les preuves qui confèrent aux travaux de recherche (mémoire, thèse, recherches scientifiques) leur validité. Il n’y a pas de recherche en histoire sans sources. Ces dernières sont constituées essentiellement de documents écrits conservés dans les archives, les bibliothèques ou tout autre centre de conservation physique ou en ligne (correspondances administratives, lettres, papiers notariés, documents d’états civils, etc.)

Qu’en est-il des sources de l’histoire coloniale d’Haïti

De 1630 à 1804, Haïti est une colonie française. Pour étudier cette période, marquée par l’esclavage des Noirs, on doit compter sur les sources produites par les acteurs de la colonisation, à savoir le pouvoir royal français, ses représentants locaux (civils et militaires), les colons, l’Église et, dans une moindre mesure, les esclaves. Ces documents sont conservés dans des pays étrangers, la France en particulier. Ils sont totalement inaccessibles pour les étudiants et chercheurs haïtiens qui n’ont pas les moyens de se déplacer en Europe ou en Amérique du Nord.

Le défi de l’accès aux sources

L’accès aux sources représente un véritable défi pour les chercheurs haïtiens, un défi d’autant plus réel que depuis la pandémie du Covid-19, les États appliquent des politiques migratoires de plus en plus restrictives ; la séquence la plus récente est celle de la décision de l’administration américaine d’interdire l’entrée des Haïtiens sur le sol américain.

Le problème de l’accès aux sources de la colonisation, de l’esclavage et de la révolution haïtienne explique en grande partie l’insignifiance de la recherche historique haïtienne. Haïti compte aujourd’hui moins de 5 historiens spécialistes de la période coloniale, dont plusieurs d’entre eux vivent en dehors du pays. Les principales recherches sur la période sont menées dans des universités étrangères (États-Unis, France, Espagne, Angleterre en particulier). Depuis plusieurs décennies, on ne recense aucun mémoire d’étudiants portant sur la colonisation, l’esclavage ou la révolution haïtienne, dans les universités d’Haïti. C’est une anomalie qu’il faudrait absolument corriger. Il est totalement incompréhensible qu’un pays né de la résistance à l’exploitation coloniale et esclavagiste ne fasse aucun effort pour encourager la recherche sur cette question cruciale et entretenir la mémoire de cette lutte auprès des jeunes.

Que faire ?

Du 4 au 5 novembre 2019, s’était tenu à Harvard University (USA) un séminaire exploratoire, qui avait réuni des historiens et des conservateurs de l’Europe et de l’Amérique, dans l’objectif de poser le problème de l’accès des chercheurs haïtiens aux archives de la colonisation de l’esclavage et de la révolution haïtienne. Notre organisation y était représentée par notre président du Conseil d’Administration d’alors, un historien, enseignant-chercheur à l’Université d’État d’Haïti à l’époque, aujourd’hui chercheur associé au Laboratoire Dynamiques Sociales et Recompositions des Espaces (Ladyss) de l’Université Paris8. 

Dans le prolongement de ce séminaire, le Centre haïtien de Recherche et d’Actions pour le Développement (ChrAD) a lancé, en collaboration avec les Archives numériques de la Révolution haïtienne (ANRHA) le projet « Conscience de nos archives, conscience de notre histoire », qui consiste à mettre en ligne les archives de la colonie de Saint-Domingue (actuelle Haïti), de l’esclavage des Noirs dans cette colonie et de la révolution haïtienne. Ces archives proviennent de différents centres de conservation en Europe et en Amérique, et plus particulièrement, des archives françaises. Plus d’un million de pages de documents seront mises en ligne, dont un fonds spécial sur l’Église coloniale et son rôle dans la colonisation et l’esclavage, et un autre fonds sur l’indemnité ou la rançon de l’indépendance. Les documents déjà mis en ligne sont consultables sur le site d’ANRHA, www.anrha.com. 

Ce projet permet aux étudiants et chercheurs aussi bien haïtiens qu’étrangers d’accéder à distance aux archives de la colonisation de Saint-Domingue, de l’esclavage et de la Révolution haïtienne, quel que soit l’endroit où ils se trouvent.

C’est dans ce cadre que nous sollicitons un accompagnement du Ministère de la culture, dont nous pouvons discuter ensemble les modalités.

Les principaux fonds qui seront mis en ligne et provenance 

1) Archives nationales de France

  • Fonds Comité des colonies (1791-1794) : environ 150,000 pages de documents. Centre de conservation : Archives nationales de France
  • Correspondances de l’administration royale avec les représentants locaux (à Saint-Domingue, XVIIe-XVIIIe siècle) : 890,000 pages de documents
  • Colonies CC9A Saint-Domingue (1790-1806) : 75,000 pages de documents
  • Archives du Directoire exécutif (1794-1802) : 50,000 page documents

 

2) Caisse des dépôts et de consignations

  • Indemnité de Saint-Domingue (1825-1947) : 10,000 pages de documents

Total : 1,175,000,000 pages de documents.